12,000 et même dans certains témoignages jusqu'à 15,000 US$ pour disposer d'un conteneur de 40 pieds sur les routes maritimes les plus achalandées du monde entre la Chine et les USA ou encore la Chine et l'Europe. Cette situation totalement hystérique révèle les dysfonctionnements d'une supply chain mondiale qui a oscillé entre anticipation stratégique et totale inadaptation opérationnelle
Retour sur une anomalie contemporaine historique
Le graphique, construit comme une spirale infernale (ou un cercle vicieux c'est selon), débute avec le confinement chinois et ses perturbations de production manufacturière qui enraye déjà la capacité de l'usine du monde à alimenter les stocks européens et américains. S'en suit une fermeture des économies européennes qui a pour incidence de générer immédiatement un déséquilibre qui se manifeste par une surcapacité destructrice sur les sillons maritimes. L'agilité managériale des grandes alliances maritimes induit un retrait spectaculaire de navires du marché, couplé à une stratégie de sélection des touchés portuaires réalisée au détriment des ports les moins résilients face à une situation économique et logistique paroxystique. L'économie américaine compte jusqu'à 35 millions de chômeurs et la pandémie semble incontrôlable dans des économies clés comme celles de la Californie ou de la Floride.
Le rebond des consommations américaines et européennes
Dans le marasme pandémique, la fenêtre de respiration de l'été va se traduire par une frénésie consumériste qui va surprendre tous les analystes, à commencer par les armements maritimes eux-mêmes. Le déséquilibre offre/demande affole le marché du transport conteneurisé et les taux de fret jouent leur rôle de correcteur alors que les navires sortent pleins des ports chinois. En quelques semaines, de 2500 US$ le 40 pieds, on voit des taux spot dépassés les 5,000 US$ avec surtout une incapacité à prendre des slots au moment où se prépare Thanskgiving, Halloween et Noël!
Le gigantesque engorgement californien
Les équipements (conteneurs) se trouvent dans les backyards des entrepôts US et la dissémination des boîtes sur l'hinterland nord-américain vont générer une incroyable crise de capacités qui sera amplifiée dès le début de 2021 par l'incapacité des twin ports californiens de Los Angeles - Long-Beach d'évacuer les boîtes. Les conséquences sont mondiales avec des pénuries de matériels et des organisations en urgence de rapatriement des boites vides disponibles qui vont affoler les taux de fret sur quasiment toutes les routes transocéaniques. Les plus exposés paradoxalement sont les routes où ne se déploient pas les géants des mers de 18,000+ EVP. Santos au Brésil ou Lagos au Nigéria constituent des exemples illustratifs de l'effet collatéral des engorgements sur les routes triadiques.
Le 21 février 2021, 41 unités porte-conteneurisées attendent en Baie de San Pedro avec des retards dans les mises à quai qui peuvent atteindre une semaine. L'organisation du chargement/déchargement des boîtes ainsi que leurs évacuations terrestres est totalement saturée. Les décalages logistiques dans les pré et post-acheminements se comptent en semaines dorénavant. Les surcoûts de transport et de transactions risquent d'alourdir la facture du consommateur final, habitué à ne payer que quelques dizaines de centimes d'euros le fret maritime dans son produit manufacturé à valeur ajoutée.
La suite de cette histoire conteneurisée contemporaine, nous tenterons de la décrypter ensemble dans les prochaines semaines avec un nouvel article pour comprendre comment les chaînes de valeur mondiales vont innover pour faire face à cette situation mondiale encore jamais éprouvée par les chargeurs, les organisateurs de transport, les autorités portuaires et encore moins les transporteurs maritimes.
Publié le 24 février 2021