Après Tashkent et Almaty, le groupe de recherche Asie-Europe se réunit à Bishkek au Kirghistan pour un troisième opus qui continue de sonder la nature des relations entre le secteur logistique et la sphère politique.
L'Asie Centrale constitue un espace géographique singulier pour la Fondation SEFACIL. Enclavés et enchâssés entre des géants économiques et démographiques (Chine, Russie mais aussi Pakistan ou même Iran), les territoires de l'Asie Centrale revendiquent de nouvelles connectivités stratégiques avec l'avènement de nouvelles routes ferroviaires et même routières qui relient les marchés de l'Extrême-Orient à ceux de l'Europe. Ensemble géostratégique composite, l'Asie Centrale, et en particulier les 5 "'Stan' (Kazakstan, Kirghistan, Ouzbékistan, Tadjikistan et Turkmenistan) font l'objet de nombreux travaux de recherche qui mobilisent des enseignants-chercheurs pluridisciplinaires en provenance de plus de 25 pays de toute l'Eurasie depuis maintenant près de 10 ans!
Quand logistique rime avec géopolitique
Le professeur Pierre Chabal a ouvert la session de Tashkent en novembre 2021 dans les locaux de la University of World Economy & Diplomacy (UWED) avec cette formule:
Diplomacy is an art - Logistics is a necessity
Cela résume parfaitement le paradigme retenu par la fondation SEFACIL pour analyser toutes les dimensions du couple Logistique-Diplomatie dans une vision interrégionale où les dynamiques de coopération-compétition demeurent encore largement insuffisantes. Le sino-postsoviétisme anime de nouvelles conceptions politiques et de nouveaux rapports de force économiques. Le secteur de la logistique et les enjeux de la création de valeurs ajoutées territorialisées exacerbent les concurrences entre territoires, chacun cherchant à attirer les investissements internationaux sans construire une véritable cohérence stratégique régionale.
Les réseaux et infrastructures de transport terrestre redeviennent aussi essentiels que du temps des grandes conquêtes mongoles... ou soviétiques. A ceci prêt qu'aujourd'hui, ces territoires de l'immense Asie Centrale ne veulent plus être des aires de transit mais bien des origines et des destinations de flux eurasiatiques. Zones tampons protéiformes, l'Asie Centrale souffre d'un manque d'intégration régionale alors même que Chinois, Russes ou encore Européens déploient toutes sortes de projections inclusives censées protéger, développer et connecter les 'Stans.
La crise pandémique comme accélérateur d'intégration logistique régionale?
Parmi les réflexions des enseignants-chercheurs du groupe Asie-Europe figurent bien sûr la qualification et la quantification des retombées de la politique chinoise Belt & Road Initiative mais aussi comment le pouvoir de Moscou cherche à conserver son influence à travers une politique de connectivité terrestre (et fluviale pour le Kazakhstan) ou encore pourquoi les européens, champions mondiaux de l'organisation logistique internationale, n'utilisent pas le pouvoir stratégique de ses leaders pour affirmer une projection d'avenir plus intégrative... et plus politique.
A chaque séminaire, le pays hôte a la possibilité d'inviter des personnalités politiques et d'affaires afin d'expliciter les développements en cours et susciter des débats sur les perspectives logistiques régionales. La crise pandémique s'est évidemment invitée dans les réflexions avec des travaux qui cherchent à en évaluer l'impact sur le développement socio-économique lié aux activités de transport et de logistique. Le tout alimente un ouvrage collectif qui sera officialisé et diffusé lors de la 7ème conférence internationale Asie-Europe qui aura lieu en mai au Havre et qui mobilisera plus de 50 contributeurs de toute l'Eurasie.
Science politique et science régionale, droit et économie, géographie et histoire, sociologie et sciences sociales : une somme de connaissance plurisciplinaire constituera une nouvelle source d'inspiration pour continuer des travaux plus orientés sur la logistique. La série Logistique & Diplomatie devrait ainsi se continuer à Dushambe tout d'abord à la fin de l'année 2022 avec la participation du Ministère des Affaires Etrangères de la France, en attendant de pouvoir confirmer l'opportunité de conclure ce cycle décennal au Pakistan ou même en République d'Iran en 2023.