Du vent, des voiles et des valeurs : décarboner le shipping est possible! Tel est le titre de la dernière contribution de la Fondation SEFACIL, en partenariat avec TOWT, pour les Jeudis d'AGIF+ qui se tiennent dans les locaux de l'UMNP et d'AGIF+, deux partenaires de la Fondation depuis de nombreuses années. La décarbonation du transport maritime internationale est inscrite dans les objectifs premiers de l'Organisation Maritime Internationale (OMI) mais les moyens techniques, financiers, scientifiques et politiques manquent cruellement pour espérer atteindre les seuils annoncés d'ici 2030/2050. En attendant, la force vélique établit son nid et prouve que transporter du fret sur des sillons transocéaniques, c'est possible mais que cela ne concerne que des niches de marché qui changent le paradigme de la valeur dans des chaînes globales logistiques qui ont trop longtemps oublié l'écologie et les catastrophes environnementales.
Gloutons énergivores, le shipping vit de et par le pétrole
L’Humanité est toujours dépendante du pétrole et de toutes ses déclinaisons carbonées du simple fait que collectivement, nous sommes dans l’incapacité de refreiner une gloutonnerie énergivore toujours plus inquiétante. Une seule donnée pour en saisir toute la magnitude: 86% du total énergétique planétaire en 2000 relevait des produits issus des ressources fossiles. Malgré tous les efforts de promotion, de conversion et d’innovation vers des énergies renouvelables et propres, ce même total atteint encore 83% en 2020; considérant l’augmentation quasi constante des consommations énergétiques carbonées des pays les plus pollueurs par habitant. Cette boulimie énergétique contemporaine garantit une mobilité des biens, des personnes, des informations et des capitaux constitutives d’une mondialisation nomade et heureuse.
Le secteur des transports, tous modes confondus, symbolise cette addiction carbonée. Pour le seul transport maritime, plus de 10,6 milliards de tonnes métriques ont été échangés par voies océaniques en 2020, soit peu ou prou 80% de tous les tonnages commerciaux internationaux. Mais comme le bateau demeure le moyen de transport le plus écologique en prenant le ratio tonne/kilomètre/énergie, il convient de mettre en perspective le milliard de tonnes de Gaz à Effet de Serre (GES) émis par l’ensemble du secteur puisqu’il représente moins de 3% des émissions totales recensées en 2020. Les 2 milliards de baril de pétrole consommés chaque année par les 99 800 navires marchands ont permis de totaliser 60 000 milliards de tonnes-miles, soit la distance totale cumulée par l’ensemble des tonnages transportés sur une seule année.
Ces macro-données permettent de saisir deux réalités:
- Notre économie-monde repose sur des organisations industrielles et logistiques qui elles-mêmes articulent leurs « modèles » socio-économiques sur la fiabilité, la performance et la profusion de solutions de transport maritime
- Convertir 50% du transport maritime à une vertueuse neutralité carbone d’ici 2050 (Organisation Maritime Internationale) exigerait, dans l’état actuel des connaissances scientifiques (LNG, hydrogène, biocarburants, méthanol, ammoniac, etc.), un investissement total de 1650 milliards US$.
La force vélique: pas la solution mais un changement radical de paradigme
Il pourrait y avoir 20 milliards de tonnes métriques à transporter par voies maritimes d’ici 2035 selon la CNUCED. Il est aussi impensable qu’utopique de penser que la seule force du vent sera la solution principale de décarbonation de ces quantités phénoménales de marchandises. Mais en replaçant la valeur intrinsèque de la marchandise au cœur du concept de transport à la voile, une typologie de produits remarquables peuvent se nicher dans une proposition à quatre dimensions.
TOWT vise à capitaliser 10 ans d’expérience d’affrètement de voiliers pour construire et opérer la plus ambitieuse flotte de voiliers-cargos qui permettra des voyages transocéaniques neutres en carbone. Le concept est simple: utiliser la force abondante et inépuisable du vent via des innovations technologiques qui soutiennent une meilleure prédictibilité et efficacité sur des routes maritimes au long-cours. La voile est utilisée à plus de 90% du temps de transport alors que deux hélices se transforment en hydroliennes pour satisfaire les besoins électriques du bord. Le non-usage du bunker lourd réduit les émissions d’oxydes de soufre SOx et d’oxydes d’azote Nox pour réduire l’acidification des océans bien au-delà des ambitions onusiennes. Par ailleurs, une propulsion vélique silencieuse répond évidemment à la réduction des pollutions sonores qui impactent la vie sous-marine.
La rentabilité énergétique de la force vélique rencontre la rentabilité économique du transport maritime à la voile par l’engagement de chargeurs responsables qui revendiquent les valeurs éthiques et écologiques de leurs produits. La proposition de transports maritimes transocéaniques décarbonés s’inscrit dans une cohérence qui commence avec les cahiers des charges des producteurs pour terminer aux achats d’une certaine catégorie de consommateurs conscientisés.
La décarbonation maritime s’inscrit dans une démarche communautaire qui inclut l’interface portuaire. TOWT a su travailler dès les premières traversées transocéaniques avec HAROPA Le Havre qui offre des droits de port préférentiels ainsi qu’avec les Dockers du Havre qui ont été impliqués dans un partenariat qui combine savoir-faire, transmission et formation. Comme l’énonçait Edouard Philippe, maire du Havre, le label Le Havre Smart Port City reconnait l’intérêt économique, social, technologique et environnemental des voiliers-cargos de TOWT.