Le réchauffement climatique particulièrement sensible et évident sous les latitudes polaires a mis en exergue l'opportunisme politique russe pour supporter l'accès à de considérables ressources énergétiques. Pétrole mais surtout gaz naturel se localisent à proximité des espaces côtiers arctiques, ce qui en facilitent les exploitations économiques et logistiques. Du temps de l'URSS, une politique d'aménagement du territoire avait déjà installé quelques établissements portuaires, des voies ferrées et un modeste réseau routier à des fins de peuplement, de désenclavement et de développement domestique. Avec l'accélération de la fonte des glaces polaires arctiques, le fantasme d'une circulation maritime commerciale devient progressivement plausible et surtout relance la projection d'une nouvelle rangée portuaire sous contrôle totale d'une Russie souveraine sur ces territoires hautement fragiles... mais stratégiques.
Plus qu'un simple raccourci nautique entre l'Asie du Nord et l'Europe, l'avènement d'une route maritime arctique s'orchestre sur la capacité à exploiter des navires spécialisés qui desservent des interfaces portuaires dévolues en premier lieu à l'exportation des matières premières. Nous y sommes déjà. Mais la Russie continue d'investir des milliards en infrastructures, soutenue en cela par de nombreuses puissances qui ne sont pas seulement asiatiques ou européennes. L'axe géopolitique actuelle entre la Russie et la Chine semble trouver un terrain d'entente stratégique au nord du cercle polaire pour notamment orienter les futurs flux gaziers et miniers russes vers l'immense marché de consommation/transformation chinois. Les nouveaux ports sortis ex-nihilo s'ajoutent à ceux historiques, comme Mourmansk ou Arkhangelsk, qui structurent depuis des décennies des continuums maritimes et terrestres.
Fruit d'un travail de réflexions entamés il y a déjà quelques années avec le collectif Asia-Europe et qui a déjà fait l'objet de plusieurs publications que l'on peut retrouver dans la rubrique "Autres ressources documentaires", la Fondation a le plaisir de partager avec vous une nouvelle référence, publiée en collaboration avec Olivier Faury & Nicolas Montier de l'EM Normandie, dans la prestigieuse revue académique Post-Communist Economies sous le titre:
From the USSR to the polar silk road: the rise of the strategic Russian Arctic port range
Une des avenues explorées dans les réflexions prospectives de la fondation, c'est la contiguïté logistique qui pourrait sublimer les distances géographiques pour trouver leur cohérence dans la connectivité des réseaux de transport terrestre et maritime. L'Asie Centrale, immense marché intérieur et enclavé, se voit de plus en plus comme un possible carrefour des confluences logistiques et manufacturières. En 2021, des travaux de recherche avec les équipes du réseau de la fondation basées au Kazakhstan, au Kirghizistan et en Ouzbékistan permettront d'approfondir l'analyse via une série de séminaires, tous identiques et qui ont comme titre unique:
"The role of Transportation and Logistics in Value Chain Management - The case of Kazakhstan - The case of Kyrgyzstan & - The case of Uzbekistan".
Le tout serait possiblement bouclé en 2022 avec l'opportunité de finaliser un quatrième séminaire au Pakistan pour inclure les développements chinois dans l'arrière-cour indienne, comme au port stratégique de Gwadar et sur le corridor logistique dans la province du Balouchistan.
Publié le 2 mars 2021