La Fondation SEFACIL a livré un long entretien sur les ambitions des nouvelles routes de la soie et leurs impacts sur le maillage quasi planétaire d'une logistique chinoise d'approvisionnement énergétique et d'acheminements manufacturiers qui dépassent largement la seule dimension commerciale. BRI constitue une projection d'un monde sinocentré avec des partenariats géopolitiques bilatéraux et géostratégiques multilatéraux qui établissent une toile infrastructurelle où toutes les routes semblent converger vers le futur plus grand marché du monde que sera Mainland China.
BRI est une véritable projection géostratégique par l’infrastructure et l’investissement pour mailler des territoires, très largement au-delà de la seule Chine continentale. C’est un maillage qui comprend maintenant la moitié de la planète en incluant déjà 129 pays et qui permet surtout de consolider des réseaux, notamment l’acheminement de matières premières vers une économie chinoise qui consomme plus de la moitié des tonnages d’importations de vracs secs. BRI matérialise une planification géopolitique visionnaire qui passe par un véritable aménagement du territoire mondial, au profit des intérêts économiques et stratégiques chinois. Avec le « Fonds de la route de la soie », Beijing serait en capacité de prêter plus de 400 milliards d’euros à ses partenaires sur la décennie 2013-2023.
Quelle place pour les ports français dans BRI?
Pour un ensemble comme HAROPA - Ports, la "périphérisation" géographique" du corridor séquanien peut devenir un atout d'attractivité dans une cohérence de complémentarité avec les actuels prolongements de BRI en Baltique, en Mer Noire ou encore en Med orientale. Port2000 au Havre n'a pas attendu d'être "inclus" dans le schéma d'investissements de BRI pour devenir la clé de voute du commerce maritime et manufacturier avec la #Chine. Reste à travailler les connectivités ferroviaires pour que les sillons eurasiatiques commencent et se terminent au Havre.
L'axe Sino-Arctique Russe: visées énergétiques et géostratégiques
Les potentiels gaziers, pétroliers et miniers arctiques russes se libèrent des contraintes climatiques et donc financières qui limitaient les opportunités économiques et logistiques de leur exploitation. Or, l’accélération des effets du réchauffement climatique soutient la réalité maritime d’une exploitation des routes arctiques et pas seulement dans la perspective d’un raccourci nautique entre l’Asie du Nord et l’Europe de l’Ouest.
La stratégie chinoise se décline vis-à-vis de l’Arctique russe comme une composante supplémentaire de BRI qui s’est ajoutée avec l’officialisation en 2018 d’une feuille de route inscrite dans la Polar Silk Road. Les chinois sont les promoteurs et les investisseurs de projets infrastructurels et énergétiques que les finances russes ne pourraient probablement pas faire seuls. Ce pragmatisme politique devient géostratégique quand la Chine conforte une solution d’approvisionnement énergétique fiabilisée avec un seul acteur, la Russie, sur un parcours où l’on n’a pas besoin de passer par un détroit, un isthme, ou même un canal. Cela apparaît d’autant plus d’actualité avec le blocage du Canal de Suez par un simple échouement dû à une rafale de vent sur un porte-conteneurs de 400 mètres de long et de plus de 200,000 tonnes.
Sur la relation sino-russe Arctique connue aujourd’hui, seul finalement un grave accident écologique pourrait enrayer les bases de cette coopération énergétique bilatérale. D’un point de vue géopolitique, la Chine peut se fournir en gaz naturel du Qatar, d’Indonésie, d’Algérie mais la solution russe pourrait devenir la moins onéreuse au fur et à mesure de la consolidation et de fiabilisation de la route maritime Arctique du fil des prochaines décennies. Cette relation maritime et énergétique sino-russe se place comme une alternative également aux solutions terrestres par oléoducs qui traversent des pays tiers comme la Mongolie ou le Kazakhstan. Une fois encore, BRI se conjugue au pluriel dans une stratégie de diversification des approvisionnements et une dilution des risques géopolitiques via la multiplication des accords bilatéraux et multilatéraux.